Kimberly Murray exhorte le Canada à honorer ses responsabilités pour les disparitions forcées d’enfants autochtones
Tashi Farmilo
Kimberly Murray, l’interlocutrice spéciale indépendante pour les enfants disparus et les tombes et sépultures anonymes en lien avec les pensionnats indiens, a présenté son rapport final lors du 7e rassemblement national sur les sépultures anonymes, qui avait lieu le 29 octobre à l’hôtel Hilton Lac-Leamy à Gatineau.
Dans ce rapport en deux volumes intitulé Faire respecter les obligations sacrées : Réparations pour les enfants autochtones disparus et les sépultures anonymes au Canada, Mme Murray porte un regard sévère sur le rôle du Canada dans les « disparitions forcées » de milliers d’enfants qui fréquentaient les pensionnats. Elle exhorte le gouvernement à honorer ses obligations juridiques, morales et éthiques envers les familles qui attendent des réponses depuis trop longtemps.
Un grand nombre de survivants de pensionnats, de familles, de dirigeants des Premières Nations et de représentants gouvernementaux prenaient part au rassemblement, dont l’ambiance était chargée d’émotions – émotions liées aux milliers d’enfants autochtones qui ont été arrachés à leurs parents et à leurs communautés et qui ne sont jamais rentrés à la maison.
Dans sa présentation, Mme Murray s’est attardée au vocabulaire à employer pour désigner les victimes des pensionnats autochtones. D’ailleurs, sa principale conclusion est que les enfants décédés dans les pensionnats ne sont pas « disparus », mais qu'ils « ont disparu aux mains de l'État », s’agissant donc de « disparitions forcées ». Elle soutient également que le gouvernement du Canada doit être tenu entièrement responsable de la disparition forcée des enfants dans les pensionnats autochtones puisqu’ils étaient alors sous la garde de l’État canadien. « Nous devons la vérité à ces familles, qui n’ont jamais su ce qui était arrivé à leurs enfants et qui n’ont jamais cessé de les chercher. Ces familles ont été laissées dans l’ignorance et elles continueront de souffrir jusqu’à ce que la vérité soit révélée ».
Au sens du droit international relatif aux droits de la personne, les disparitions forcées des enfants autochtones constituent une violation flagrante des droits de la personne. Qui plus est, le caractère persistant des disparitions forcées fait en sorte qu’il s’agit d’une violation continue des droits de la personne.
Ses paroles ont ému de nombreux participants, en particulier les survivants et les aînés des communautés qui réclament depuis longtemps la reconnaissance des injustices commises dans les pensionnats. Donna Debassige a décrit l’événement comme une prise de conscience attendue depuis longtemps : « Depuis des décennies, nous racontons nos histoires, mais nos témoignages ont été rejetés ou ignorés », a-t-elle déploré. « Mais d’entendre cette reconnaissance est comme un pas vers la guérison. »
« Sans vérité, il ne peut y avoir de réconciliation », a poursuivi Mme Murray, la voix solennelle. « Pendant trop longtemps, ces enfants ont été privés de la dignité d’un enterrement décent et de la dignité d’être commémorés. Aujourd’hui, nous devons leur rendre hommage en révélant toute l’ampleur des atrocités perpétrées contre eux ».
Plutôt que de formuler des recommandations, Mme Murray conclut son rapport en dressant une liste de 42 obligations juridiques, morales et éthiques que les gouvernements, les églises et d'autres institutions doivent respecter pour l’établissement d’un nouveau cadre de réparation, dirigé par les Autochtones, destiné à soutenir la recherche et la récupération des enfants disparus et des sépultures anonymes. Le rapport stipule que le gouvernement doit faire preuve de transparence et faciliter l’accès aux documents d’archives.
Afin que le processus de réconciliation puisse avancer, Mme Murray a appelé le gouvernement à reconnaître officiellement que le système des pensionnats indiens a été conçu dans le cadre d’une stratégie coloniale plus large visant à éliminer les peuples autochtones. En effet, seule l’acceptation pleine et entière de la vérité rendra la réconciliation possible.
Le Canada a l’obligation juridique internationale de rétablir la vérité, de tenir les responsables auteurs responsables de ce qui est arrivé aux enfants, à leurs familles et à leurs communautés, et d’accorder des réparations. « Les mots d’excuse seuls ne suffiront pas; les réparations relatives aux enfants disparus et aux sépultures anonymes au Canada doivent comprendre à la fois des mesures matérielles et symboliques », a conclu Mme Murray.
Le rapport final de l’interlocutrice indépendante est maintenant accessible au public sur le site Web du Bureau de l'interlocutrice spéciale. Ce rapport marque un tournant historique dans la quête de vérité d’innombrables familles, en jetant les bases d’un cadre de réparation pour la vérité, la responsabilisation, la justice et la réconciliation.
Trad. : MET